Ingénieur·e en environnement, chargé·e d’études d’impact, naturaliste ou encore ingénieur·e écologue… les métiers de l’environnement sont amenés à réaliser des diagnostics écologiques et des inventaires (notamment pour les démarches d’études d’impact).
En effet, on ne compte plus les projets qui nécessitent ce type de services pour garantir la préservation de la nature, ou pour établir des stratégies environnementales efficaces (comme les Solutions Fondées sur la Nature (SfN) par exemple).
Ainsi, les techniques de diagnostics et d’inventaires étant de plus en plus abouties et précises, il apparait nécessaire de les étudier. C’est justement ce que nous allons voir dans cet article, alors, accrochez-vous et n’oubliez pas de vous exercer sur le terrain !
Mais qu’est-ce qu’un diagnostic écologique ?
Appelé également diagnostic de biodiversité, il est défini par des techniques d’inventaires floristiques, faunistiques, d’habitats, et s’utilise dans certains contextes.
Commençons par découvrir à quoi ressemble un document de diagnostic écologique avec en cliquant sur cet exemple du projet de renouvellement et d’extension d’autorisation d’exploitation de la carrière de sablon, sise sur les communes de Saint-Crépin-Ibouvillers et Ivry-le-Temple (vous pouvez aussi le consulter ici).
Quand réaliser un diagnostic écologique ?
De l’étude d’impact, en passant par l’élaboration d’un Plan de Gestion (PG) et de trames écologiques, plusieurs contextes sont possibles. Voyons cela en détail.
Pour une étude d’impact.
Les diagnostics écologiques peuvent se déployer dans une démarche d’étude d’impact environnemental (les études d’impacts sont étudiées en détail dans le module Restauration écologique et outils naturalistes, en Mastère Ingénierie Écologique, option Gestion et Restauration des Écosystèmes).
Par exemple, lorsqu’un bâtiment industriel est sur le point d’être construit sur un terrain naturel, la loi oblige qu’une étude d’impact soit faite au préalable.
Le livrable de ce type d’étude est en général un document dense (entre 300 et 600 pages) comportant plusieurs volets de diagnostic d’impacts, dont le diagnostic écologique qui nous intéresse ici pour évaluer l’impact du projet sur la biodiversité présente sur le site.
Les équipes naturalistes se déploient alors sur le terrain pour réaliser des inventaires faunistiques et floristiques (les inventaires étant une composante essentielle du diagnostic écologique) pour créer ce document dans lequel figure les espèces présentent sur le site : le diagnostic écologique. Ce document est ensuite inséré dans l’étude d’impact.
Pour le Plan de Gestion d’un Espace Naturel Protégé (ENP).
Le Plan de Gestion est un document officiel qui définit la manière dont est géré un ENP. Peu importe sa nature (parc national, réserve naturelle, jardins publics, etc), un ENP est géré différemment en fonction des espèces qu’il contient. Ceci afin de préserver sa biodiversité, ses espèces protégées (s’il y en a) et plus généralement son caractère original.
Le Plan de Gestion permet donc d’identifier les enjeux et les objectifs de gestion d’un espace naturel. Mais afin de les identifier correctement, il se base sur un diagnostic écologique, qui lui-même repose sur les inventaires et les suivis naturalistes, de la faune, de la flore et des habitats contenus dans l’ENP.
Ainsi, pour améliorer un Plan de Gestion existant ou pour en créer un, le diagnostic écologique et ses inventaires s’avère plus que nécessaire.
Pour les trames et continuité écologiques (trame verte, bleue, etc).
Le dernier contexte d’utilisation que nous allons étudier ici est la création de trames écologiques.
En effet, les inventaires faunistiques et floristiques sont aussi réalisés dans le cadre de l’élaboration de la Trame Verte et Bleue (TVB), ce qui permet in fine d’élaborer un diagnostic écologique de la région étudiée.
L’organisme d’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) recense justement une grande partie de ces continuités écologiques. Vous pouvez donc télécharger la carte nationale des continuités écologiques directement sur le site de l’INPN en cliquant ici.
Comment réaliser un diagnostic écologique ?
Maintenant que nous avons vu les différents contextes d’utilisation, voyons les différentes étapes permettant de réaliser un diagnostic écologique.
Elles sont au nombre de 4 :
- La 1ère étape consiste à recueillir des informations sur la zone à étudier (a-t-elle déjà été inventoriée ? Existent-ils des problèmes sur la zone ? …).
- La 2ème étape permet de choisir les types d’inventaires qu’il faudra réaliser sur la zone, grâce aux informations de l’étape précédente.
- La 3ème étape correspond au terrain : c’est la réalisation des opérations d’inventaires directement sur la zone.
- Et enfin la 4ème étape vient analyser les résultats et synthétiser les enjeux. Certains diagnostics écologiques vont parfois plus loin en indiquant des mesures à prendre.
Précisons-nous quelques détails sur l’étape 1 qui est une étape très importante pour préparer efficacement les autres étapes. En effet, cette 1ère étape de recueil d’information permet de faire le point sur les connaissances concernant les espèces, les habitats et les grands mécanismes de fonctionnements du site, mais aussi d’identifier éventuellement les enjeux.
Ainsi, la 1ère étape du diagnostic écologique consiste donc à faire un état de l’art des connaissances déjà existantes sur la biodiversité d’un territoire.
Il est fortement recommandé de trouver toutes les études, cartographies ou documentations qui ont déjà été réalisées sur le site.
Cela peut se faire en allant sur le terrain à la rencontre des acteurs concernés et des experts impliqués dans le secteur, ou bien par la consultation de bases de données naturalistes faunistiques et floristiques afin de voir si des inventaires ont déjà été réalisés sur la zone.
La liste des espèces de l’INPN constitue déjà une grande base de données naturalistes générales, et il est possible d’y contribuer grâce à l’application INPN Espèces :
Mais ils existent aussi des bases de données spécialisées en faune, comme celle de faune-france.org spécialisée dans les données faunistiques.
Cette base est très intéressante car elle est ouverte et contributive, c’est-à-dire que tout le monde peut transmettre ces observations à la base.
Pour consulter la base, vous devez créer un compte. Et pour contribuer, vous devez télécharger l’application NaturaList.
Votre compte est créé ? Visitez la section en bas à gauche du menu pour obtenir de l’aide sur l’utilisation du site internet et ses outils.
Voici une vidéo de la LPO Isère présentant rapidement cette plateforme :
Vous pouvez également trouver des bases de données plus spécifiques à une région, et donc plus précises, car, avant de mettre les pieds sur le terrain, il est nécessaire de s’informer sur les espèces normalement présentes dans la région concernée.
Et voici un exemple de base de données régionales, avec le Conservatoire Botanique National de Bailleul (CBNBL) qui a dressé une liste des espèces du Nord-Pas-de-Calais, de la Picardie et de la Haute-Normandie : cliquez ici pour accéder à différents documents dont un exemplaire de fiche de relevé floristique : un bordereau d’inventaire floristique.
Qui peut réaliser un diagnostic écologique ?
Outre les métiers que nous avons cité en début d’article (liste non exhaustive), ce diagnostic peut-être à l’initiative d’un organisme public (service public, mairie, collectivité, département, EPN, etc) ou privé (par exemple pour la sauvegarde d’un patrimoine naturel).
Au niveau privé, il existe de nombreuses entreprises spécialisées dans les diagnostics écologiques.
Nous allons préciser ici un exemple d’outil privé : Biodi(V)strict®, développé par l’entreprise Urbalia.
Cet outil d’initiative privée est intéressant car son domaine d’action est l’aménagement urbain. Il permet d’aider les aménageurs et les entrepreneurs du secteur de la construction à prendre les bonnes décisions en matière de biodiversité dans leurs projets.
Concrètement, cet outil réalise un diagnostic écologique, puis donne une synthèse permettant in fine la prise de décision. Il permet d’intégrer la biodiversité dès la conception d’un projet d’aménagement en milieu urbain et périurbain.
Cet outil se compose de 3 étapes :
- Concentrer l’évaluation écologique sur les habitats (parc, prairie, marre, forêt, toit végétalisé).
- Réaliser les mesures à l’aide d’un Système d’Information Géographique (SIG) avec cartographie du site.
- Comparaison des résultats avant/après (proportion d’espaces végétalisés, diversité des habitats, diversité des strates végétales, connectivité intra-sites, perméabilité des sols à l’eau).
Il permet ainsi d’établir un diagnostic de la biodiversité d’un projet avant/après sous la forme d’un radar multicritère. C’est en comparant ces radars que les gestionnaires de projet peuvent évaluer objectivement le potentiel écologique de l’aménagement prévu.
Il est fondé sur 5 indicateurs que nous vous proposons de découvrir dans leur vidéo :
Les outils d’inventaire et de suivi utilisés dans un diagnostic écologique.
Si vous avez bien tout suivi jusque-là, vous avez compris que l’étape 3 du diagnostic écologique est la réalisation de l’inventaire : on va sur le terrain !
Réalisez votre inventaire terrain en parcourant le site, en respectant bien les réglementations. Relevez les habitats, micro-habitats, mais prêtez aussi une attention particulière à leurs imbrications, leurs fonctionnements respectifs et sur les éléments d’influence.
Pour les inventaires floristiques, vous pouvez utiliser les clés de détermination de Tela-Botanica (par famille ou directement pour une espèce en cliquant sur Détermination Initiale – laissez vous guider en cliquant sur la réponse correspondante).
Ensuite, une fois que vous avez repéré votre espèce (ou famille d’espèce), vous allez devoir la noter sur une fiche de relevé. Vous pouvez utiliser cet exemple de Bordereau d’Inventaire floristique donné un peu plus tôt dans cet article, ou bien les bordereaux d’une autre base de données spécifiques comme le Conservatoire Botanique National du Massif Central.
Pour les inventaires faunistiques, vous pouvez utiliser les fiches de relevés présentes dans les documents suivants :
- Modernisation des inventaires dans le Midi-Pyrénées.
- L’inventaire de la biodiversité de Saint-Lubin-des-Joncherets, disponible aussi ici.
Enfin, concernant les inventaires habitats, voici un autre outil intéressant pour les déterminer et permettre ainsi leur inventaire : le guide de détermination des habitats de l’OFB.
Interpréter les résultats d’un diagnostic écologique.
Après avoir réalisé plusieurs inventaires sur des années consécutives, vous pourrez mettre en place un suivi des inventaires de votre site. Ainsi, il vous sera possible d’observer « l’état de santé » d’une population, d’une espèce et/ou d’un habitat.
Ce suivi est essentiel, mais il n’est pas toujours évident d’interpréter les résultats de vos suivis car il faut savoir organiser toutes ces données.
La vidéo suivante de David Beaune vous indique justement comment organiser vos inventaires de suivi, à l’aide d’excel. Donc lorsque vous aurez réalisé plusieurs inventaires sur un même site, n’hésitez pas à revenir sur cette vidéo pour vous organiser et faciliter les interprétations :
En ce qui concerne les interprétations d’inventaire habitat, l’UICN a créé ce document méthodologique qui vous permettra de réaliser le suivi de ce type d’inventaire et d’interpréter vos résultats (disponible aussi ici).
Par exemple, en page 27, vous avez un outil de calcul de la part de bois mort dans les zones forestières. Grâce à cet indicateur, vous pourrez dire si votre habitat reçoit des pressions, s’il est surexploité. L’interprétation de ces résultats vous permettra de donner des mesures à appliquer pour améliorer son état.
Avant de terminer notre article, voici un autre exemple intéressant en page 33, où l’outil de calcul permet de savoir si la biodiversité présente sur la zone étudiée est cohérente avec le reste de la France. Est-ce que la santé de la biodiversité de la zone étudiée est dans la moyenne ? Cet outil d’interprétation vous guidera sur les conseils à donner.
Enfin, il est intéressant de savoir qu’il existe d’autres types de diagnostic ayant pour but de préserver un milieu naturel. Nous pensons par exemple au diagnostic de vulnérabilité que l’ADEME a réalisé. Vous le retrouverez dans cet article, et avec cet outil intéressant pour diagnostiquer la sensibilité d’un territoire au changement climatique ((sur la page, téléchargez le PDF, à retrouver aussi ici).
Pour finir, que vous soyez un·e ingénieur·e écologue ou dans n’importe quel poste environnemental, la maitrise des diagnostics écologiques vous permet d’agir dans le privé comme dans le public, dans de nombreuses missions d’inventaires faunistiques et floristiques.